Bruxisme : quand grincer des dents devient pathologique

Vous arrive-t-il de grincer des dents au point de réveiller votre partenaire ?
Peut-être souffrez-vous de bruxisme, un trouble pluridimensionnel méconnu qui impacte vos nuits et votre santé.
Lumière sur ce trouble qui peut s'avérer horripilant.

 

Maux de tête, douleurs dentaires, perte ou fracture de dents, gencives abîmées : non seulement le bruxisme est inconfortable et peu esthétique, mais il peut surtout avoir de lourdes conséquences sur notre santé physique et mentale et dans vos relations de couple puisque le grincement de dents altère d'abord la qualité du sommeil de celui qui l'entend.

Principalement nocturne, il s’agit d’un "trouble fonctionnel incontrôlé classé parmi les parasomnies", explique la Dr Sandy Cohen*, chirurgien dentiste. Diurne dans de plus rares cas, ses formes recouvrent des grincements, frottement ou serrements de dents plus ou moins silencieux. Pour reprendre un langage plus technique, la spécialiste parle de "mouvements de para-fonction inconsciente, sans but précis, qui surviennent en dehors des périodes de mastication ou de déglutition physiologiques essentielles".    


En quoi consiste le bruxisme?

La plupart du temps, ce sont les douleurs à la mâchoire ou les plaintes de notre conjoint qui nous alertent. Plus courant qu’on ne le pense, ce phénomène impacterait près de 10 % de la population et toucherait aussi bien les enfants que les adultes et les hommes que les femmes.
 

"Ces contractions involontaires de la mâchoire ne représentent pas une maladie en soi. Il est plutôt question d'un trouble symptomatologique", précise le Dr Sandy Cohen. Aussi, le bruxisme n'est pas toujours dommageable. S'il ne survient que de manière ponctuelle, il peut très bien ne représenter qu'un inconvénient - notoire certes - pour le sommeil de son conjoint.
 

"Chez l’enfant, ce trouble est fréquent au moment de l’apparition des dents définitives. En revanche, si les symptômes persistent à l'âge adulte, le bruxisme recouvre petit à petit une dimension pathologique et doit être pris en charge par un spécialiste dentaire pour éviter l'abrasion trop importante des dents", alerte-t-elle.

Quelles en sont les causes?

Le bruxisme nocturne serait lié à nos phases d’éveil et à des épisodes de micro-réveil. En cause, l’activation inopinée du système nerveux central autonome durant le sommeil qui entraînerait une activité motrice involontaire et l’accélération du rythme cardiaque. Dans certains cas, on soupçonne aussi un problème d’occlusion dentaire, c’est-à-dire la manière dont les dents supérieures s’emboîtent avec les dents inférieures. On incrimine également la dopamine, présente notamment dans certains antidépresseurs comme le prozac.

    La plupart du temps, c'est le résultat d’une manifestation psychosomatique essentiellement liée au stress.

Mais le Dr Sandy Cohen insiste : "le bruxisme est certes lié à des facteurs physiopathologiques, mais aussi et surtout à des facteurs psychosociaux-comportementaux. La plupart du temps, c'est le résultat d’une manifestation psychosomatique essentiellement liée au stress. Pendant la journée, en revanche, il peut survenir à des moments où on est très concentré : au volant, au travail, en faisant du sport par exemple", détaille-t-elle.

On peut également avoir un terrain génétique propice au développement de ce trouble. Le tout pouvant être aggravé par la consommation d'alcool, le tabac et de certaines drogues.
Enfin, de façon beaucoup plus rare, le bruxisme peut être corrélé à la maladie de Parkinson, à l’épilepsie ou encore à certaines maladies psychiatriques.

Quelles conséquences sur notre santé?

"Ces contractions musculaires inconscientes provoquent des maux de tête, des douleurs au niveau de la nuque, de la mâchoire ou des oreilles", détaille la spécialiste qui dit constater la plupart du temps des usures de l’émail, des fêlures ou encore des fractures de dents et de couronnes. "Bien évidemment, ce phénomène engendre une plus grande sensibilité dentaire qui se traduit aussi par une sensibilisation aux changements de température et aux aliments acides", rappelle-t-elle.  
 

Au-delà du bémol esthétique, le problème, ce sont surtout ces douleurs, parfois insupportables, qui impactent non seulement la qualité de leur sommeil, mais également notre vie professionnelle et personnelle. En effet, le manque de sommeil est souvent synonyme de grande fatigue, avec tous les désagréments que cela engendre, à savoir troubles de la concentration, troubles de l’humeur, irritabilité, anxiété voire même dépression dans les cas les plus sévères, confirme l'experte.

Par ailleurs, "cet état de stress peut provoquer une hypertrophie des muscles qui élargit la mâchoire et lui donne un aspect carré", alerte-t-elle.

Comment y remédier?

Le bruxisme peut être compliqué à traiter, car en tant que trouble multidimensionnel, il échappe en grande partie à la volonté du patient. “On ne peut pas traiter la cause du trouble à proprement parler. On essaie plutôt d’apporter un traitement palliatif pour limiter ou réparer les dégâts occasionnés. En cas de bruxisme diurne, les symptômes restent quand même plus simples à gérer. Une fois conscientisé, le trouble peut s'atténuer légèrement", explique le Dr Sandy Cohen.

Dans un premier temps, "on conseille aux patients de bien prêter attention à leur hygiène de vie : on adopte une alimentation équilibrée, un rythme de sommeil régulier, et on limite dans la mesure du possible la consommation de substances psychoactives, de tabac, et d’alcool avant de dormir. Le stress étant une composante importante du bruxisme, on mise également sur des techniques de relaxation ou de respiration comme la méditation, la sophrologie ou encore la réflexologie. Certaines thérapies peuvent même être envisagées.
 

Si les conséquences du bruxisme sont trop avancées, il est nécessaire de se diriger vers un professionnel de la santé bucco-dentaire qui saura vous aiguiller au mieux en fonction de votre situation. Selon l'usure de votre dentition, le port d'une gouttière pendant la nuit peut être recommandé. L'objectif étant de protéger les dents en faisant en sorte qu'elles n'entrent pas en contact. "Pas de contact, donc pas de contraction musculaire, et pas de douleur", résume Le Dr Cohen.

Certains spécialistes peuvent également proposer des injections de toxines botuliques à visée thérapeutique au niveau des articulations de la mâchoire. "Habituellement utilisée dans le cadre de traitement esthétique, cette substance permet aussi de bloquer les muscles masticateurs", précise la professionnelle. "Cependant, ce traitement n'est pas forcément une solution adaptée sur le long terme, tant il est onéreux et nécessite des injections régulières", précise-t-elle.
 

    On ne peut pas traiter la cause du trouble à proprement parler. On essaie plutôt d’apporter un traitement palliatif.


Enfin, dans certains cabinets, il est possible de "recréer la dimension verticale du visage", lance le Dr Cohen. Cela sonne un peu terrifiant, mais il s'agit en fait de remplacer l'émail perdu par des prothèses en céramique. "En prime, cette technique permet d’enlever quelques rides sur le bas du visage", ajoute-t-elle.

À noter que la prescription d'anxiolytiques et de régulateurs de sommeil n'est pas forcément recommandée, même sur une courte durée en raison des "faibles résultats liés - entre autres - à leur concentration en dopamine".

Dr Sandy Cohen, chirurgien dentiste spécialiste du bruxisme au sein du cabinet Drs Sandy Cohen & Lila Doucène, Paris 16ème.

Pour consulter l'article du magazine : https://www.marieclaire.fr/bruxisme-grincement-dents,1316352.asp#:~:text=facteurs%20psychosociaux%2Dcomportementaux.-,La%20plupart%20du%20temps%2C%20c'est%20le%20r%C3%A9sultat%20d',%2C%20d%C3%A9taille%2Dt%2Delle.